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Au début des années 2000 à Toulouse, boulevard Déodat de Séverac, dans une station service désaffectée, abandonnée comme tant d’autres, et recouverte de tags. Elle a perdu ses enseignes lumineuses et ses symboles précisant son appartenance à un groupe pétrolier.

Les murs de la station son couverts de tags multicolores et grandioses, débauche de couleurs et de gestes signataires. Changement paradoxal de signalétique : richesse et profusion des motifs tagués en opposition à la sobriété et l’épure de la marque du groupe pétrolier derrière laquelle se cache une puissance financière. C’est une cour des miracles où traînent les canettes de bières vides, les débris de verre, les bombes de peinture épuisées et les déchets de sabbats nocturnes.

Noyé dans cette forêt de signes, un minuscule pochoir unicolore se fond dans le bitume d’accès aux pompes , sur la bande de peinture blanche qui marque la bordure. Ce pochoir, isolé, participe d’une autre forme de message que celui des tags : il est d’abord de l’ordre du multiple, reproductible à l’identique dans sa forme, et cependant il est seul dans l’espace de la station, il est minuscule et minimal dans sa teinte par rapport aux tags. Les tags sont des signatures, affirmation et revendication d’existence d’une personne le plus souvent brimée dans son expression. Le pochoir est moins ostentatoire, plus discret, souvent associé à un texte soulignant le dessin, il est souvent placé dans un endroit stratégique intégrant le contexte dans son discours, c’est un clin d’œil poétique, philosophique ou politique. Celui-ci a la particularité de se trouver sur le sol, à l’horizontale en opposition à la verticalité conventionnelle des tags.

La photographie a été prise à hauteur d’homme, avec un appareil 24X36, muni d’un objectif de 58 mm ouvrant à 1,4. La photographie, par le privilège du cadrage peut extraire le sujet du contexte et lui donner un rapport de grandeur différent : c’est l’intentionnalité du photographe, qui récupère une image ou une portion d’image à partir de laquelle un nouveau discours va pouvoir se construire.

Les impressions du photographe, d’abord attiré par les tags, découvrant ce pochoir sont celles du chercheur d’or découvrant une pépite. Il voit les histoires se construire à partir de cette image, la force universelle de ce déclencheur d’imaginaire : un personnage fuyant une zone, peut-être est-il poursuivi ? C’est peut-être un enfant ? ou bien moi, ou vous ? Tous les ingrédients d’une dramaturgie sont réunis, au photographe de les mettre en scène et de les exposer dans une verticalité murale

Jean-Jacques Dorne

Zone 2
Frei
Féline
La Cyprienne
Hill
Envol
A bas les prisons
Mister G